Le Mawlid Ennabaoui est célébré à Tlemcen depuis sept siècles.
Cette ville garde la primauté concernant la célébration du Mawlid. Les autres pays magrébins n'ont commencé à le célébrer officiellement que des siècles plus tard,selon Zaïm Khenchelaoui, anthropologue des religions et chercheur auprès du CNRPAH (Alger), qui évoque les pétards dont l'utilisation remonte au temps des janissaires. En 1910, le Mawlid obtient le statut officiel d'une fête nationale dans l'empire ottoman. Ibn-Khalikan décrit la nuit du Mouloud célébrée en 604H/1307JC à Ervil près de Mousoul par le Roi Al-Moudhâffar Ad-Din, un des beaux-frères de Salah Ed-Din Al-Ayyoub. Ceuta aussi eut ses nuits prestigieuses du Mouloud "pour endiguer l'influence des festivités chrétiennes de la nativité de Jésus en Andalousie musulmane"...
La nuit du Mouloud était célébrée au Méchouar
Le premier monarque qui aurait officiellement célébré le Mawlid dans la partie occidentale de l'islam serait le sultan Zianide Abou Hammou au niveau de la légendaire «Kala't El Mechouar», il y a sept siècles. La nuit du Mouloud était célébrée au Méchouar au sein du palais «Dar Al-Fath» avec une splendeur et un éclat inaccoutumés dans le monde, avant de devenir une fête populaire à Tlemcen et surtout dans le Touat où émigrèrent les Tlemcéniens lors de la chute des Zianides au XVIe siècle.
le septième jour est appelé « tachouicha »
Suivant des chroniques transmises de génération en génération, ce cérémonial de célébration, qui s'étalait sur sept jours dit « sbou' » ou « saba' » dont le septième est appelé « tachouicha », continus avec en guise des réjouissances collectives de la population dans un décor de liesse durant la semaine, donnait lieu au niveau populaire à une foire enrichissante, dans tous les domaines : social, culturel, commercial. Les festivités étaient animées par les troupes soufies des Aïssaouas. Procession à destination de Aïn El Hout et El Eubbad via Aïn Wazouta, où des jeux étaient dédiés aux enfants... Le sanctuaire de Sidi Boumediène hébergeait la Grande Kermesse. Dans une atmosphère de chants, de dikrs, de qarqabous et de tambourins assourdissants, passait des troupes: c'était telle ou telle zaouïa ou tariqa: Derqaouas, Issaouas, Hamdaouas, Khouane Sidi Blel, qui défilaient, chaque confrérie portant son étendard ...
Origine de la dénomination de « tachouicha »
D'où la
dénomination de « tachouicha » (liesse
populaire, ambiance de fête foraine « profane », notamment à Aïn
Wazouta, par rapport au programme solennel,
religieux et spirituel, animé dans la grande
Mosquée et les zaouïas). Une autre version est donnée à ce sujet par
Lila Hamedi Cherif Benmoussa (via la page SOS Antiquité Tlemcen)
qui explique : « Le 6ème jour on égorgeait le mouton techouicha. La
tradition imposait à l'époque d'enlever une mèche (choucha) des cheveux
du nouveau-né. Souvent, on
circoncisait le bébé garçon le jour de la techouicha... ».
Ceux qui
le pouvaient se rendaient le quatrième jour à Aïn El-Houts, la patrie
des Chorfas où une halte spirituelle est marquée devant les mausolées de
Sidi Abdellah et Sidi Mansour... Le légendaire bassin des poissons de
Qariet el Alaouiyine fera partie du programme festif.
Les festivités s'étendaient autrefois à tout le mois.
Jadis, depuis le premier jour, appelé Ziadet Ennebi - la naissance du Prophète - jusqu'au septième jour du Sabaâ Ennebi, chacun veille à suivre scrupuleusement le déroulement des festivités. Même si notre Prophète est né le 12ème jour de ce mois, les festivités s'étendaient autrefois à tout le mois. Elles commençaient par les youyous des femmes dès l'observation du croissant du mois de Rabie Al-Awwal, à partir des terrasses. Les fillettes dès lors sortaient chanter la célèbre chanson : A mouloud a mouloud... Les hommes, quant à eux, se réunissaient dans les mosquées pour célébrer la composition de Cheikh Laroussi chantant les louanges du Prophète( SAW)...
Décor et alimentation du Mouloud
D'abord, les femmes disposent de singuliers plateaux contenant des bonbons et des sucreries, des parfums ou des fleurs de saison qu'on offre aux visiteurs. Ensuite, elles préparent le repas traditionnel, en l'occurrence du «thrid bidjaj» ainsi que la fameuse « taqnetta » (déformation de «tsa-netsa», à priori d'origine amazighe) ou du «mchahad». Sans oublier la succulente confiserie appelée « fanid » dont seules deux familles détenaient la recette et le savoir-faire, à savoir les Tchenar et Benachenhou (à l'instar de la « brania fi dar Klouche fama), si l'on croit Morsli Bouayed, un adepte du patrimoine immatériel. Entre-temps, le père va au marché acheter de l'encens, «el-bkhour», halqoum, halwat tork, les petites derboukas, les feux de Bengale, les bougies de couleurs ainsi que les lustres en bois dites «triyâtes», que fabriquaient les menuisiers de quartier, au bout desquelles on fixe des bougies décorées de papier argenté ou doré ainsi que des friandises. Un décor « soft » parasité par la suite par l'intrusion des irrésistibles pétards : les « mhirqa » avec « ftila »....
Des vêtements filles et garçons pour le Mouloud
Côté filles, le cérémonial est marqué par le port de la chedda, le karakou ou la blousa ba'smaq dite Zaïm avec un djbin ou un zerouf, le maquillage et l'application du henné sur la paume des mains opérée par la grand-mère qui dédie un hawfi pour la circonstance « Mchit el ourit... »,. Les garçons ne sont pas en reste puisqu'ils sont parés à cette occasion de leurs plus beaux atours : habits neufs traditionnels faits d'un pantalon bouffon, gilet et burnous blanc assorti d'une chechia...
Occasion pour la circoncision des enfants
Cette fête religieuse constituait aussi une occasion pour la circoncision des enfants chez les Charif de la rue de Mascara, Choukchou de la rue Kaldoun, Soulimane de la rue de la Sikak ou Rahmoun de la Kissariya (outre les circoncisions collectives dans certaines zaouïas dont notamment la Hebriya de la rue Benziane)...
Le soir, les mosquées et les zaouïas se remplissent
C'est les zaouïas qui constituent le pôle d'attraction pour les deux sexes. Destination : Derqaouiya de Ars Didou, Mamcha de Bab el Hdid, El Hebriya d'El Medress, Boudlimi de Ras el Bhar, Tidjaniya de Hart Rma, Alaouiya de Sidi Hamed, Moulay Tayeb de Tafrata, Moulay Abdelkader de Bab el Hdid... A partir de la prière du Maghreb, commencent les veillées religieuses. Parfois même les grandes maisons regroupent leur famille pour la « leyla ». Jusqu'aux premières lueurs du Sobh, on lit le Coran et, dans une profonde communion des cœurs et des âmes, on psalmodie les oraisons célèbres, les dikrs, appelés «el-mouldiyates».
un livre intitulé «Les Mille et une Nuit du Mouloud
Par ailleurs, il convient d'indiquer que le Pr Sari Ali Hikmet, président du club de culture soufie, a commis un livre intitulé «Les Mille et une Nuit du Mouloud «, un livre qui lui a valu 30 ans de recherches exhaustives à travers le monde. « La commémoration n'est pas un souvenir du passé mais une trans temporalité qui fait vivre l'instant fondateur ici et maintenant. La nativité de l'Islam, en ce temps de post-Covid, nous donne l'espérance d'un nouveau monde reconstruit sur la Miséricorde Universelle. Il faut rappeler que cette année, cette fête musulmane sera célébrée ce mardi 19 octobre 2021 correspondant au 12 Rabi Al-Awwel 1443, soit le 1551e anniversaire de la naissance du Prophète (QSSL). (Allal Bekkaï, Le Quotidien d'Oran, Octobre - 2021).
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