Nedroma, rivale de Tlemcen ?

On ne peut se permettre de décrire Nedroma comme une simple ville ou bourgade. Il est vrai que Tlemcen, la capitale des Zianides, se taille la part du lion dans l'histoire de la région.
On a ainsi souvent tendance à oublier que Nedroma a aussi une histoire, histoire aussi riche que la perle du Maghreb. La ville de Hadj El-Ghaffour reste peu connue. Nedroma, à l'instar de ses habitants, est plutôt discrète.
L'ère almoravide
Léon l'Africain fait plutôt une lecture romaine à Nedroma (Ned-Roma) qui donne la version suivante : «semblable à Rome». La ville ne se présente sous son actuelle appellation Nedroma qu'au début XIIe siècle. Il faut, cependant, attendre l'arrivée des Almoravides pour que la ville connaisse une véritable mutation. La construction de la grande mosquée et de son minbar était inspirée de celle de la grande mosquée des Omaïyyades de Cordoue et la Koutoubia almohade de Marrakech. Au temps des Almohades (XIIe siècle), sous le règne d'Abdel Moumen, le premier khalife de la dynastie, Nedroma ainsi que tout le pays des Koumya faisaient l'objet de sollicitude des souverains de Marrakech et de l'Espagne musulmane. C'est dire le rôle joué par les tribus lors des conquêtes des souverains almohades. L'espace géographique de Nedroma fut très réduit. Les traces de son ancienne muraille sont encore visibles. La ville garde à peu près les mêmes dimensions aujourd'hui. Tout au long du Moyen-Age, comme dans les temps modernes, Nedroma apparaît comme l'une des principales cités dont Tlemcen fut la capitale régionale. Par la force du temps, la ville subit l'influence politique et religieuse, et en suit les destinées de la ville de Sidi-Boumediène. La pieuse retraite du prince Abou Yacoub de Nedroma durera 40 ans, jusqu'à la conquête mérinide en 1352. Aucun roi ou prince du royaume conquérant de Tlemcen ne fut enterré à Nedroma. Ce qui explique que la ville ne servait que de passage obligé aux différentes dynasties qui se retranchaient à Tlemcen.
L'ère coloniale
Les Espagnols établis à Oran et à Tlemcen n'occupèrent ni Nedroma ni l'arrière-pays des Tara (monts Tara). L'arrivée des Turcs ne changea rien. Ces derniers établirent leur autorité sur la région sans grande influence jusqu'à la conquête de l'Algérie par des Français. C'est à ce moment-là que les populations «berbères» (tribus) de Nedroma embrassèrent la cause de l'Emir Abdelkader. C'est dans les montagnes de Nedroma que l'Emir trouve refuge et appui, notamment en 1845 lors de la baille de Sidi-Brahim. Pendant la guerre de Libération, la bataille de Filoussène reste gravée dans les mémoires.
Le présent
Aujourd'hui, Nedroma garde encore son allure médiévale de cité de l'islam. Les quartiers ont gardé leurs anciennes appellations. Nul ne peut passer à Nedroma sans passer par la fameuse et légendaire Tarbiâ. La population est composée de petits commerçants avisés et d'agriculteurs aidés par les khammas (métayers). L'artisanat reste une industrie réservée aux hommes. Les tissages ( drezze) et la poterie sont des métiers qui font la principale activité de la ville. Nedroma n'a pas connu de flux migratoire, elle n'a pas changé. Même la présence de l'usine SNLB n'a pas réussi à donner à la ville un aspect industriel. La ville reste, cependant, un fief du savoir et de politiciens. Chose étonnante, malgré son passé prestigieux, la ville n'est sortie de son anonymat qu'avec l'avènement du chant hawzi et grâce au talent du grand maître Hadj El-Ghaffour. Considérée comme la deuxième ville après Tlemcen, Nedroma a quand même l'allure d'une ville moderne et peut aussi prétendre au statut de wilaya. Se trouvant derrière les monts Trara, au nord de Maghnia, elle conserve son histoire intacte. C'est à ce titre que Nedroma reste la rivale de Tlemcen, une ville légendaire à découvrir, à quelque 40 km seulement de Tlemcen. Nedroma vaut le détour.